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La tarte citron-basilic de Johanna Roques : « La pâtisserie, c’est comme une thérapie »

Johanna Roques a tenu un stand au marché d’Aligre à Paris, collaboré avec des hôtels et organisé des ateliers de pâtisserie. A 50 ans, elle a, enfin, ouvert sa propre boutique, Jojo & Co, à Paris, dans le Marais.
« J’ai travaillé pendant vingt ans dans l’audiovisuel. A Canal+, j’écrivais les textes des bandes-annonces de films, de séries, pour les programmes jeunesse. Je m’y plaisais, j’étais bien. Je ne viens pas d’une famille de becs sucrés, mais quand j’ai eu des enfants, j’ai commencé à faire des gâteaux. Et, en même temps, à goûter des desserts fantastiques : la tarte citron vert-basilic de Jacques Genin, la tarte à l’orange de Philippe Conticini à la Pâtisserie des rêves, ou le millefeuille de Christophe Michalak au Plaza Athénée…
Petit à petit, la pâtisserie a commencé à me prendre de plus en plus de temps, j’y passais mes week-ends, je m’inscrivais à des ateliers. Je m’occupais de préparer des goûters à des vide-dressings entre copines, qui me disaient : “Jo, c’est super, lance-toi !” Cette envie est montée en moi, et j’ai eu un déclic : il fallait que je lance ma propre affaire.
Au début des années 2010, les reconversions en cuisine n’étaient pas si fréquentes. Quand je me suis présentée à mon boss pour lui dire que je partais faire un CAP, il est tombé de sa chaise et m’a dit : “Jo, tu es malade ! Tu vas forcément revenir, c’est un délire d’un an.” Effectivement, je suis revenue. Mais je suis repartie tout de suite ! Je sentais que je n’avais plus ma place.
Je n’ai pas eu l’occasion de me former très longtemps : on n’embauche pas beaucoup de candidats de 40 ans. Je suis passée chez Sébastien Gaudard, puis chez Landemaine. J’ai ciblé des coffee shops, des endroits petits où j’allais tout faire, plutôt que des grosses brigades où tu presses des citrons pendant trois mois avant d’avoir le droit de toucher à une pâte.
Quand je me suis lancée, il y a dix ans, je n’ai pas trouvé mon style tout de suite. Au début, je me disais : il faut des classiques, il faut que ça plaise. La tarte citron-basilic est une des premières créations que j’ai réalisées, avec en tête la version de Jacques Genin. Au début, la mienne était assez simple : un fond de tarte, un crémeux citron.
Avec les années, je ne voulais plus être un copier-coller de Genin, il fallait qu’elle devienne mienne, plus sophistiquée. J’ai mis du sucre muscovado dans la pâte pour qu’elle soit croustillante et je la pousse beaucoup en cuisson. J’ai ajouté un pesto sucré à base de basilic, d’huile d’olive, de pâte d’amande, de miel et de jus de yuzu. J’ai enfermé le crémeux citron dans un dôme que je pose par-dessus. Ça rend le gâteau plus généreux.
Aujourd’hui, Paris regorge de pâtissiers géniaux. Pourquoi les gens viennent-ils chez moi ? Peut-être parce que j’ai trouvé un truc original avec les accords. J’adore les déclinaisons fruitées et chercher des petits “twists” pour les rendre originaux. J’ai le sentiment d’avoir trouvé mes codes à moi et de faire ce que j’aime.
Même si, venant de la reconversion, je n’aurai jamais ma place dans le monde des pâtissiers, et même si l’entrepreneuriat me cause beaucoup de soucis, quand je suis au labo, focus sur la création, je n’ai pas de regrets. Moi qui suis une grande angoissée, le travail manuel me procure toujours de l’apaisement. La pâtisserie, c’est comme une thérapie. »
Laquée et bombée, la tarte est très appétissante. Quand on la découpe, déluge de vert : le pesto, prédominant, l’emporte aussi en bouche. C’est frais, original et réussi, mais contre-indiqué pour ceux qui cherchent l’acidité !
Tarte individuelle, 6,80 €. Jojo & Co, 37, rue du Roi-de-Sicile, Paris 4e.
jojoandco.net
Elvire von Bardeleben
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